
Synthèse hydro-/solvothermale sous- et supercritique de matériaux émergents nanostructurés
Notre activité exploite les propriétés spécifiques des fluides sous- et supercritiques pour élaborer des matériaux émergents nanostructurés permettant de répondre aux enjeux actuels de notre société. Tout type de solvants (eau, alcools, dioxyde de carbone, ammoniac, etc. ou encore des mélanges) peut être mis en œuvre en fonction du matériau à élaborer: oxydes, métaux, nitrures, sulfures, phosphures, etc. Les matériaux sont principalement développés à partir de procédés continus à différentes échelles de production, du milligramme dans des réacteurs microfluidiques pour la compréhension des processus mis en jeu, jusqu’au kilogramme pour un transfert vers l’industrie, en passant par le gramme pour des études en science des matériaux. Cette technologie durable, basée sur un couplage chimie – procédé, permet de préparer des matériaux avec des propriétés inédites ou encore des matériaux qui ne peuvent pas être obtenus avec des méthodes de synthèse conventionnelles.
Recyclage des matériaux
Nous nous intéressons également à la fin de vie des matériaux au travers de leur recyclage. Avec une approche similaire à celle suivie pour l’élaboration des matériaux, la mise en œuvre de différents types de systèmes solvants dans des conditions sous- et supercritiques permet de déconstruire les matériaux à partir de processus physico-chimiques allant de la délamination jusqu’à la transformation chimique. Une fois le processus maîtrisé, un procédé est conçu. Les développements vont de l’échelle du laboratoire à l’échelle pilote. Les études portent sur le recyclage des emballages alimentaires, des thermoplastiques, des composites à matrice organique, des cellules photovoltaïques ou encore des aimants permanents. L’impact environnemental de l’ensemble des technologies développées est évalué par des analyses de cycle de vie.
Management du CO2 anthropique
Nous sommes fortement impliqués dans les problématiques environnementales concernant, en particulier, le cycle du carbone et la transition énergétique. Une des principales activités de recherche concerne les aspects de capture et de stockage du CO2. A l’aide d’approches millifluidiques et microfluidiques haute pression et haute température (laboratoires géologiques sur puce – GLoCs), nous développons des approches originales haut débit pour l’optimisation des procédés de capture du CO2, mais également pour les processus inhérents au stockage du CO2 dans les milieux géologiques profonds (aquifères salins), dont les conditions peuvent être reproduites sur puce. Dans ce contexte, le projet ERC (European Research Council) « BIG MAC » (Microfluidic Approaches mimicking BIoGeological conditions to investigate subsurface CO2 recycling) a pour objet d’étude la biovalorisation du CO2 dans les conditions du sous-sol par méthanogénèse (formation de méthane réutilisable) grâce aux micro-organismes extrémophiles peuplant ces environnements.
Environnements profonds biogéochimiques
Notre recherche s’intéresse également à l’interaction entre la biosphère profonde et les cycles chimiques, incluant celui du carbone, et aux interactions réciproques entre la pollution anthropique (e.g. CO2, microplastiques, etc.) et les environnements profonds. Pour ce faire, nous développons des méthodologies innovantes haute pression pour l’étude et la compréhension des écosystèmes profonds en conditions réelles de subsurface, en prenant en compte les interactions entre les mécanismes microbiologiques, géochimiques et de transports réactifs qui gèrent les cycles biogéochimiques. Ceci a pour objectif d’étudier la diversité microbienne, les stratégies métaboliques et les mécanismes adaptatifs développés par ces micro-organismes piézophiles, ainsi que leurs interactions avec la pollution anthropique dans le but de mieux comprendre les mécanismes de biodégradation et de proposer de nouvelles alternatives aux stratégies de bioremédiation actuelle.
En parallèle, les compétences et outils développés nous permettent d’étudier les fluides hydrothermaux en allant des systèmes géochimiques liés aux sources hydrothermales profondes (complexification de la matière, chimie prébiotique, origines de la vie) jusqu’aux réactions de dégradation de composés organiques via le procédé d’oxydation hydrothermale (SuperCritical Water Oxidation – SCWO) au sol et en environnement de microgravité.
COMPÉTENCES
Le groupe Fluides Supercritiques possède des compétences transverses qui permettent de prendre en compte l’ensemble des processus Thermo-Hydro-Bio-Chimiques (THBC) qui se déroulent au sein de procédés utilisant des fluides réactifs sous pression et en température.
Thermodynamique et hydrodynamique des fluides critiques et supercritiques
Physique . Les phénomènes se déroulant au voisinage du point critique présentent un intérêt tout particulier pour étudier les propriétés d’universalité des phénomènes critiques observés dans de nombreux systèmes très différents dans leur organisation à l’échelle moléculaire. Le groupe possède une forte activité expérimentale en environnement de microgravité (International Space Station – ISS), très près du point critique gaz-liquide en apesanteur, dédiée à la compréhension du comportement des systèmes denses, hyperdilatables et hypercompressibles appartenant à la classe d’universalité des systèmes d’Ising tridimensionnels uniaxes. En s’appuyant sur ces connaissances fondamentales, les approches expérimentales sont maintenant orientées vers de nouveaux objectifs scientifiques qui vont de la compréhension de la crise d’ébullition, aux études des comportements des mélanges eau-sels en conditions supercritiques, réactifs ou non réactifs.
Thermodynamique. Le groupe possède une grande expertise pour la modélisation et l’acquisition de données thermodynamiques de mélanges de fluides complexes sous pression et en température (densité, pression, enveloppe de phases, dans la gamme 20 < T(°C) < 500 et 0.1 < p (MPa) < 40). Nous utilisons, en particulier, des approches innovantes haut débit basées sur les outils microfluidiques supercritiques (pour la détermination de diagrammes de phases ou la microdistillation par exemple).
Hydrodynamique. L’hydrodynamique des réacteurs fluidiques est un paramètre essentiel pour le génie des procédés. Dans l’objectif d’améliorer la compréhension et le contrôle des écoulements multi-échelles (du micromètre au mètre), nous utilisons une stratégie couplée expérience/simulation numérique. En particulier, nos compétences permettent d’étudier les conditions de mélange pour des applications en procédés continus supercritiques dans une large gamme de taille (microfluidique et millifluidique) et de régimes (laminaires et turbulents) d’écoulements.
Réactivité chimique en milieux fluides supercritiques
Différents types de réactions chimiques sont étudiés dans des conditions sous- et supercritiques : hydrothermale, solvothermale, oxydo-réduction, sol-gel, etc. Nous nous intéressons à la détermination des mécanismes, des données thermochimiques ainsi que des cinétiques réactionnelles. Outre la possibilité de jouer sur la nature des mécanismes en ajustant la température et la pression, nous pouvons aussi moduler les cinétiques de réactions, dont la rapidité peut alors être contrôlée par l’homogénéité et la température du milieu réactif supercritique.
Microbiologie haute pression
Au-delà des systèmes physico-chimiques, nous nous intéressons également à la microbiologie haute pression pour l’étude et l’utilisation des micro-organismes issus de la Biosphère profonde. L’apport des approches de criblage rapide amenées par la microfluidique haute pression permet d’ores et déjà de reproduire au laboratoire les conditions rencontrées au fond des océans ou dans les environnements géologiques profonds. Ainsi, nos outils permettent le suivi de la croissance et l’analyse des métabolismes de souches extrémophiles in situ et en temps réel. Nous développons des procédés bio-assistés, notamment pour la bioconversion du CO2.
Germination – croissance
La compréhension des phénomènes de germination-croissance est essentielle pour la maitrise de l’élaboration des matériaux. Elle repose sur le couplage d’approches expérimentales et numériques. Des outils in situ ont été développés pour appréhender les étapes de pré-germination, de germination et de croissance des matériaux. Il est important de souligner que les conditions supercritiques sont favorables à la germination par rapport à la croissance.
OUTILS
La compréhension des processus THBC nécessite une approche couplée expérience/simulation numérique, via le développement de réacteurs permettant une caractérisation in situ et des outils de simulation.
Instrumentation et caractérisation in situ
Le groupe Fluides Supercritiques développe depuis 25 ans une instrumentation originale multi-échelle pour étudier et mettre en œuvre des fluides sous pression et en température. La plupart des réacteurs sont conçus et réalisés en interne. Les procédés et outils développés permettent de travailler en mode « batch », semi-continu ou continu. Les technologies utilisées dans le groupe couvrent une large gamme de procédés, depuis les micro-échelles (microfluidique, 1 – 500 µl.min-1) en passant par des échelles intermédiaires (millifluidiques, 0,5 – 10 ml.min-1) jusqu’au réacteur pilote industriel (litre, jusqu’à 100 l.h-1). Par ailleurs, nous avons la capacité d’accéder à des conditions de microgravité (expérimentation dans l’airbus « Zéro G » ou dans l’ISS) afin, notamment de pouvoir étudier les phénomènes de transport proche du point critique (chaleur et matière). Ces derniers peuvent difficilement être caractérisés au sol du fait des effets gravitaires entraînant une stratification en densité des milieux supercritiques.
Un large panel de caractérisations in situ peut être mis en œuvre au sein de ces réacteurs, afin de capter expérimentalement les processus et les mécanismes intervenant lors de la mise en œuvre des fluides supercritiques, ce qui permet de réaliser en temps réel l’optimisation des procédés. Plusieurs techniques de caractérisations in situ et non invasives sont utilisées telles que les spectroscopies UV-visible, Raman ou infrarouge mais aussi la microscopie confocale, la laminographie par rayons X ainsi que la diffusion totale des rayons X. Cette dernière est particulièrement intéressante car elle permet de faire des analyses de fonction de distribution paires (PDF), donnant des informations sur l’organisation atomique des nanomatériaux, avant cristallisation.
Modélisation et simulation CFD
Le grand nombre de paramètres pouvant influencer les procédés supercritiques d’élaboration de matériaux rend difficile une bonne compréhension par la seule démarche expérimentale. La simulation numérique, prenant en compte l’ensemble des phénomènes physico-chimiques (Thermo-Hydro-Nucléation-Croissance) apparaît donc comme un outil complémentaire de choix permettant de mieux comprendre et, in fine, de déterminer les conditions expérimentales susceptibles d’influencer de manière importante le processus de nucléation et de croissance des particules. Le choix d’utiliser le calcul intensif (« High Performance Computing » – code notus développé au laboratoire I2M https://notus-cfd.org/) permet de proposer des simulations avec une échelle de description très fine (jusqu’à l’échelle de Kolmogorov pour les simulations numériques directes) pour des tailles de réacteur pouvant aller du microlitre (typiquement la puce microfluidique) au litre (typiquement le réacteur conventionnel de laboratoire). Les simulations, nécessitant des ressources informatiques importantes, sont effectuées en parallèle sur les grands calculateurs nationaux (GENCI, mésocentres régionaux) afin de conserver des temps de calcul acceptables. L’utilisation de ce type d’outil est particulièrement originale au sein de la communauté « procédés supercritiques » nationale et internationale.