Optimisation des zones interfaciales pour un système non-réactif Cu-C
Les matériaux composites à matrice métallique combinent des constituants souvent incompatibles sur le plan physico-chimique et thermomécanique. Pour ce type de matériaux composites, c’est le contrôle de la zone interfaciale et donc de la liaison renfort-matrice qui régit les propriétés finales des composites. Au cours de ces dernières années, nous avons investigué l’ensemble des voies possibles pour élaborer, par métallurgie des poudres, des matériaux composites à matrice métallique tout en maitrisant les zones interfaciales lors de leur élaboration ou de traitement post-élaboration.
La figure 1 montre la formation d’une interphase chimique de type carbure formée in-situ pendant l’élaboration du matériau composite Cu/C. Cette interphase chimique a pu être réalisée en effectuant un frittage en phase liquide, grâce à l’ajout d’une poudre eutectique Cu-Ti (à plus bas point de fusion que le cuivre) et la réaction du titane avec la fibre de carbone. En contrôlant la nature chimique de l’eutectique utilisé (Ti-Cu, Zr-Cu, Si-Cu, …), la quantité de phase eutectique générée et les conditions d’élaboration (temps et température), l’épaisseur et la microstructure de la zone interfaciale sont parfaitement contrôlées (ici Ti-C). La figure 2 montre l’obtention de dépôts de carbures sur les FC, compatibles avec la matrice de cuivre, réalisés par une méthode simple et innovante permettant de former de façon ex-situ et en une seule étape, des carbures multicouches complexes à la surface de différents types de renforts de carbone. Le contrôle de la composition et de la microstructure de ces dépôts permet alors d’optimiser la liaison interfaciale entre le renfort carboné et la matrice de cuivre. La méthode que nous avons développée utilise un processus de type sel fondu.
Découverte d’un nouveau supraconducteur non toxique
En 2008, la surprenante découverte de la supraconductivité dans des composés à base de fer a marqué l’émergence d’une nouvelle classe de supraconducteurs non conventionnels à haute température critique. Mais, jusque-là, tous ces supraconducteurs contenaient le même feuillet à l’origine de la supraconductivité composé d’atomes de fer et d’atomes pnictogènes (Pn) ou chalcogènes (Ch) (Pn = phosphore, arsenic, soufre ; Ch = sélénium, tellure). Récemment, nous avons synthétisé un nouvel hydrure à base de fer et de silicium, LaFeSiH, qui transite dans l’état supraconducteur en dessous de 11 K (cf. Fig. 4). Ce supraconducteur est le premier représentant d’une nouvelle famille qui contient du silicium, élément non toxique, à la place des éléments As/Se. Cette découverte ouvre une nouvelle voie de recherche originale dans le domaine des supraconducteurs à base de fer peu coûteux et non toxiques. Ce résultat a été mis en avant par l’INC comme « fait marquant » 2018 en chimie et sélectionné par l’Université de Bordeaux pour être présenté à la journée d’inauguration du nouveau département de Physique-Chimie en 2020. Par ailleurs, une CR du groupe a reçu le prix de Physique de l’Académie Nationale des Sciences, Belles-lettres et Arts de Bordeaux pour cette découverte.
Nouvelle phase NdNiMg15 et composites Mg-NdNiMg15 pour la production d’hydrogène

Figure 1 : Performances en hydrolyse de composites Mg- NdNiMg15. La structure du composé NdNiMg15 qui correspond à 64%massique de Mg est dessinée. La microstructure du composite le plus riche en magnésium permet de voir la répartition des 2 phases (Mg correspond à la phase la plus sombre)
Depuis une dizaine d’année nous avons découvert de nouveaux composés tels que : LaCuMg8, Gd13Ni9Mg78, NdNiMg5 et NdNiMg15 utilisables pour le stockage de l’Hydrogène. NdNiMg5 cristallise au sein d’un nouveau type structural avec un empilement lamellaire (5 couches de Mg puis une couche de Nd-Ni graphitique). NdNiMg15 (cf. Fig. 1) cristallise avec une variante ordonnée du type structural V15Sb18. Ce dernier composé est la phase ordonnée la plus riche en magnésium jamais observée.
Tous les composés découverts se décomposent sous hydrogène mais, dans certains cas, les cinétiques d’absorption de l’hydrogène sont meilleures que celle du magnésium broyé. Cette décomposition peut être considérée comme un « broyage chimique ». Nous avons également démontré que la génération d’hydrogène par hydrolyse activée par ces intermétalliques ou par des composites Mg-NdNiMg15 est prometteuse (Figure 1). Ces performances sont expliquées par le couplage galvanique entre les 2 phases (différence d’OCP supérieure à 0,25V). Cela ouvre une voie prometteuse pour l’utilisation d’alliages de magnésium destinés au rebus afin de les valoriser pour la production d’hydrogène vert.
Conception et mise en œuvre des alliages à haute entropie par fabrication additive

Figure 1 : Influence de la microstructure sur les propriétés mécaniques en tension de l’AHE Al0,3CoCrFeNi.
Les alliages à haute entropie (AHEs) donnent aux métallurgistes plus de degrés de liberté pour découvrir et mettre au point de nouveaux alliages possédant des propriétés inusitées. Ils permettent également d’étudier les régions centrales des diagrammes de phases multi-constitués souvent inexplorées. Ils soulèvent de nombreuses questions concernant l’influence de la composition chimique et des procédés sur la formation et l’évolution des microstructures, et les liens avec les propriétés. Nos efforts ont concerné (i) l’influence de la composition des AHEs à base de Co, Cr, Fe, and Ni, (ii) la fabrication additive pour la mise en forme et l’exploration combinatoire des AHEs.

Figure 2 : AHE à gradient de composition élaboré par fabrication additive par projection de poudre
A partir de modèles thermodynamiques basés sur l’approche CALPHAD, nous avons étudié la compétition entres les phases ordonnées et désordonnées introduite par l’ajout d’Al dans les systèmes CoCrFeNi et CoFeNi. Ces travaux ont contribué à la découverte et au développement de nouveaux AHEs aux propriétés mécaniques intéressantes pour des applications de structure à l’ambiante. Par exemple, l’alliage quinaire Al0.3CoCrFeNi possède une limite d’élasticité pouvant être modulée entre 160 MPa et 1800 MPa par les procédés (Figure 1). L’aptitude exceptionnelle de cet alliage à répondre aux traitements thermomécaniques s’explique par la grande variété des microstructures pouvant être formée, e.g. cfc, cfc + L12, cfc + B2, cfc + B2 + s, et l’activation de différents mécanismes de déformation, i.e. glissement des dislocations vs maclage. Dans un second exemple, nous avons développé dans l’alliage quaternaire Al0.3CoFeNi une microstructure hiérarchique complexe constituée par l’alternance de nano-lamelles biphasées cfc+L12/cc+B2 qui lui confèrent un ensemble original de propriétés mécaniques et magnétiques. Cette microstructure résulte des effets de l’aluminium qui, en raison de sa taille, déstabilise la solution solide cfc-CoFeNi au profit de la phase cc et, en raison de ses interactions avec le Ni, favorise la mise en ordre conduisant à la formation des phases L12 et B2.
L’AHE Al0.3CoCrFeNi a été mis en forme par fabrication additive en utilisant le procédé de fusion sélective par laser. L’alliage imprimé possède une limite d’élasticité trois fois supérieure à celle obtenue dans l’état corroyé et recristallisé du fait de la très grande densité de dislocations, la présence de nano-clusters, et la texture.
La fabrication additive par projection de poudre a également été utilisée comme un outil de métallurgie combinatoire pour investiguer certaines régions des diagrammes de phases multi-composants et évaluer l’influence de la composition sur la microstructure et les propriétés à l’aide d’un seul échantillon à gradient de concentration. Nous avons par exemple étudié l’influence de la concentration en Al sur la compétition entre les phases cfc et cc dans les AHEs contenant du Co, Cr, Fe et Ni (Figure 2).